À l’occasion de l’anniversaire de la mort de Louis XVI, le 21 janvier 1793, le Duc d’Anjou dresse dans Le Figaro un bilan de l’état de la France, et présente ses vœux pour l’année à venir :
»Janvier, temps de vœux ! Et pour moi, chef de la Maison de Bourbon, successeur des rois de France, temps d’une réflexion sur le fait politique, réflexion toujours renouvelée en souvenir de la mort du roi Louis XVI il y a 230 ans, qui continue à donner lieu à de nombreuses cérémonies. Elles ne sont plus seulement expiatoires mais, ce premier procès politique incite à réfléchir à la finalité du pouvoir. Son lien avec la société qui, s’il est perdu, rompt le pacte de confiance entre le peuple et ses institutions et donc brise ce qui fait la raison même de l’État.
En 2022, la France a connu des situations que nous pensions ne plus jamais avoir à vivre, à l’époque contemporaine. Notre pays a été soumis à des pénuries dans des domaines aussi vitaux que certains produits alimentaires ou certains médicaments ; son horizon s’ouvre sur des perspectives de restrictions en matière d’énergie. À ces maux s’ajoutent l’insécurité grandissante et la hausse du coût de la vie. De tels fléaux ne fragilisent pas seulement les familles : ils révèlent la dissolution de notre souveraineté. Cet état de fait découle de décisions prises depuis des décennies, sans considération ni du bien public, ni du réel. Le mirage de la consommation effrénée reposant sur une mondialisation non maîtrisée, ajouté au relativisme et au reniement des valeurs les plus élémentaires, se révèle peu à peu au grand jour, dans sa triste réalité. Malgré les cris d’alarme autant que de détresse que l’autisme politique n’a pas voulu entendre, la situation d’un nombre croissant de nos concitoyens s’est détériorée.
Les pauvres sont encore plus pauvres et toujours plus nombreux, puisque la pauvreté touche désormais les anciennes classes intermédiaires et les retraités ; certaines provinces sont de véritables déserts sociaux, économiques, sanitaires, et bien sûr culturels. La crise s’est étendue et frappe toute la société matériellement et spirituellement. Déjà, nous voyons s’annoncer des lois inhumaines qui mettront en péril l’existence même des plus âgés et des malades. Alimentée par la démagogie ou le souci de plaire à quelques groupes de pression, une telle politique trahit sa mission la plus haute. Exactement le contraire de ce qu’avait voulu montrer par son sacrifice, le roi Louis XVI qui, dans son testament demande à Dieu de pardonner ses ennemis.
À bien des égards, notre société est à reconstruire. L’exemple de ce que fut la royauté française et ses réussites peut servir de guide à tous les Français de bonne volonté qui voudront s’atteler à cette tâche immense. L’histoire nous montre que ces sursauts sont possibles quand l’espérance en une destinée commune reprend le dessus. Ce fut le cas après la guerre de Cent Ans, ce le fut après les guerres de religion ; ce le fut lors de la Restauration, après les errements tragiques de la Révolution et de ses suites. Soucieux de son avenir voulu et non subi, le peuple de France a toujours su retrouver son énergie, son esprit d’initiative et sa volonté.
Or, au-delà du marasme et des crises, je constate que de nouvelles initiatives, courageuses et positives, font jour dans de nombreux domaines. De tels sursauts suffisent à nous redonner espoir. Il est de mon devoir de les soutenir et de les encourager, partout où cela est possible. Ce renouveau se manifeste en particulier dans le domaine de l’éducation, si gravement touché par des réformes absurdes inspirées d’idéologies destructrices. À l’heure actuelle, des écoles cherchent à retrouver le véritable sens des études, à transmettre les valeurs essentielles de la culture, si nécessaires à l’épanouissement des jeunes. Le mouvement, qui avait commencé par les petites classes, atteint désormais l’enseignement supérieur. Un mouvement similaire s’observe parmi ceux que l’on nomme les nouveaux agriculteurs. Ces hommes et ces femmes ont le courage de placer leur si belle mission – nourrir leurs concitoyens – avant les objectifs que la technocratie cherche à leur imposer.
Je tiens aussi tout particulièrement à souligner la contribution au bien commun des entreprises locales, qui luttent pour développer, partout en France, l’activité économique et l’emploi. C’est en général par leur souci d’authenticité, leur fidélité aux traditions des provinces où elles sont implantées que se distinguent ces entreprises plaçant l’éthique avant le seul profit financier. On ne saurait trop encourager les entrepreneurs qui acceptent les risques inhérents à une telle aventure. Leur énergie et leur enthousiasme contribuent à faire vivre notre pays. Il n’est pas moins réconfortant d’observer qu’en matière de santé, de nouveaux établissements – tant de soin que de recherche – accomplissent un travail admirable. Là encore, les initiatives personnelles et le dévouement viennent remédier à l’incurie des pouvoirs publics et assurent un service essentiel, y compris dans des zones souvent délaissées par l’État. L’extraordinaire abnégation des soignants, la haute idée qui les guide dans l’accomplissement de leur tâche, contribuent à rendre notre société plus humaine.
Les Français savent renouer avec les vertus de leur histoire pour eux-mêmes et le monde. La France ne doit pas seulement retrouver sa puissance ; elle doit, plus encore, retrouver son âme. En cela, elle se montrera fidèle au programme millénaire de la monarchie tout en étant un exemple pour les autres nations.
Chacun d’entre nous, quelle que soit la place que la providence lui a assignée, doit contribuer pour sa part à ce sursaut. Autant que possible, notre engagement pour le bien commun doit se manifester en toutes circonstances, dans nos vies professionnelles aussi bien que familiales. La société ne se réformera que si nous savons prendre nos responsabilités, ce qui signifie pour les Français être fidèles aux promesses de leur histoire. Tels sont les vœux que je forme pour la France à l’aube de cette année nouvelle. »
Louis, Duc d’Anjou