Le comte de Chambord prône l’abstention aux royalistes
Il est des positions où il faut se résigner à subir quelques inconvénients pour en éviter de plus grands encore, et savoir sacrifier ce qui peut paraître l’utilité du moment à l’utilité permanente et véritable[…]
Ayons foi en nos doctrines, en nos traditions. Le sentiment moral est notre condition d’existence et notre force, ne l’abdiquons pas. C’est ce qui fait notre valeur aux yeux du pays, et c’est ce qui ramènera le pays vers nous, lorsqu’il sera rendu à la liberté et à lui-même.
Telle que je la comprends l’abstention n’est pas un défaut d’affirmation ; elle est au contraire une affirmation et une protestation éclatante. C’est s’affirmer, c’est protester que de dire au pouvoir :
- les royalistes ne veulent pas se prêter à vos mensonges ;
- ils ne veulent pas avoir l’air de prendre au sérieux vos prétendues institutions ;
- ils ne veulent pas, en acceptant une lutte trop inégale, ajouter l’apparence d’une opposition vaincue à votre facile triomphe. […]
Croyez-le bien : lorsque le moment sera venu, l’abstention d’aujourd’hui deviendra pour les royalistes un titre et une recommandation de plus devant leurs concitoyens. […]
Croyez qu’il m’en coûte de détourner pour un temps les royalistes des fonctions électives et de la vie publique. […]
Mais, j’en suis convaincu, la protestation incessante par l’abstention publique, telle est la vraie mission des royalistes, sous un régime monstrueux qui semble contrarier à plaisir les instincts et les besoins de la France, qui remplace le sentiment moral par le cynisme, la liberté par l’intimidation électorale, les réalités fécondes du gouvernement représentatif par les misérables simulacres d’un constitutionnalisme mensonger.
Les sources
Comte de Chambord cité par Daniel de Montplaisir, Le comte de Chambord, dernier roi de France, Perrin, 2008, p. 281-282.
D’après les Archives de Lucques déposées en 1962 par la famille de Béatrice de Bourbon, princesse Massimo (1874-1961), fille de Charles de Bourbon, duc de Madrid (1848-1909) et héritière du château de Frohsdorf en 1931. Elles comportent 28 cartons composés chacun d’une vingtaine de liasses.