La 30e session de l’Université d’été Saint Louis s’est tenue cette année du 20 au 24 juillet 2020 à Romagne, près de Poitiers. Malgré la période incertaine de confinement, de nombreux cercles avaient envoyé des membres pour perfectionner leurs connaissances pratiques et théoriques, et en effet, l’université d’été a tenu ses promesses. Les participants ont bénéficié d’une semaine d’étude visant à renforcer, poursuivre et approfondir leurs réflexions sur la monarchie traditionnelle comme sur les idéologies révolutionnaires ou sur la crise actuelle, afin d’acquérir une véritable formation politique. D’autres membres de cette université étaient venus par curiosité, dans le cadre d’une étude universitaire sur les mouvements royalistes, ou plus simplement, pour faire de nouvelles rencontres en se cultivant. La grande diversité des origines sociales des membres, de leurs provenances politiques et religieuses, reflet de la société française actuelle, a étonné jusqu’aux organisateurs. Tous ont été accueillis avec enthousiasme comme amis du Roi.
Des groupes d’étude pour apprendre et poser ses questions
La session 2020 fut organisée selon un modèle bien rôdé autour de deux temps de formation, d’une part la lecture de textes examinant les divers aspects du combat légitimiste, au sein de petits groupes d’études, et d’autre part un cycle de conférences de grande qualité présentant l’actualité des recherches en cours dans des domaines variés.
La moyenne d’âge étant de moins de trente ans, les cahiers de textes des groupes d’étude étaient adaptés au « niveau » de formation des participants. Le premier cahier, Introduction à la légitimité, s’adressait aux « débutants » afin de comprendre et maîtriser les fondamentaux de la pensée légitimiste et traditionnelle, tandis que le second, Les Cahiers de l’Université 2020 a permis aux « confirmés » de travailler des textes plus spécialisés.
Au sommaire de l’édition 2020 des Cahiers :
1) Légitimité et royalisme, par Guy Augé. Texte qui permet d’introduire la notion de légitimité et montre que nous continuons bien le même combat que celui de Guy Augé (1977).
2) La monarchie absolue de droit divin, par François Bluche. Montrer combien la monarchie traditionnelle est l’opposé d’une dictature.
3) Du gouvernement représentatif, par Louis de Bonald (vers 1835). Bonald fait une étude comparative de cette monarchie absolue de droit divin (ou gouvernement de Conseil) avec le régime parlementaire (ou gouvernement d’opposition).
4) Le mythe de la « bonne république » chez les catholiques. Approfondissements et démonstrations historiques des réflexions de Bonald du texte précédent.
5) Le mécanisme sociologique des sociétés de pensée. Étude de la manière dont s’est opérée — et s’opère encore aujourd’hui — la subversion de l’autorité par les sociétés de pensée avec les arguments de l’opinion publique et du fait accompli.
6) Quand Henri d’Orléans négociait un trône avec Hitler. On se fait un petit plaisir en dévoilant un épisode de la coutume bien orléaniste de trahison : Henri d’Orléans prêtant allégeance au puissant du jour (Adolf Hitler).
7) Engagement de Louis XX au Congrès Mondial de la Famille. Par contraste, le discours engagé de Louis XX bravant l’opinion publique pour la défense de la famille.
8) Leçons politiques tirées de la lettre de sainte Jeanne d’Arc aux habitants de Riom. Enseignement de sainte Jeanne d’Arc sur la façon dont nous, sujets, nous devons combattre et nous engager politiquement.
9) Lexique. Le sens des mots utilisés dans notre combat, définis par de grandes signatures.
Des conférences passionnantes
Quant aux conférences, autre volet de la formation, elles portaient notamment cette année sur les régimes totalitaires, les idéologies fasciste, nationaliste et libérale, démontrant combien ces régimes sont opposés à la monarchie traditionnelle :
– La doctrine du fascisme de Mussolini. À l’instar de toute idéologie, cette doctrine — issue de la gauche, d’inspiration rousseauiste et anti-chrétienne — a pour ambition de créer une nouvelle humanité. Pour ce faire, l’État omnipotent ignore tout principe de subsidiarité. Il refuse par exemple l’autorité parentale en revendiquant pour lui-même l’exclusivité de l’éducation. Pareillement, le corporatisme mussolinien n’est qu’un outil pour diffuser l’idéologie et les consignes du parti dans les branches professionnelles. Hormis le nom, il ne présente donc rien de commun avec le corporatisme traditionnel qui, par son autonomie, traduit le caractère organique et subsidiaire de la société traditionnelle.
– Le syncrétisme entre tradition et révolution chez Joseph Mérel. Selon ce dernier, le modèle traditionnel de la société chrétienne serait imparfait. Heureusement après 2000 d’errance, Mérel apporte une solution miraculeuse en fusionnant la métaphysique traditionnelle avec la pensée du philosophe idéaliste Hegel. Cette tentative de syncrétisme entre deux courants pensées aussi contraires ne pouvait aboutir qu’à une chimère, et en effet, la traduction politique du système de ce nouveau Frankenstein n’est autre que le fascisme dont on parlait précédemment. Malheureusement l’union contre-nature entre fascisme et catholicisme séduit nombre de jeunes non avertis, impressionnés par une rhétorique absconse et un vocabulaire creux qui se donnent des airs savants.
– Le nationalisme, une idéologie révolutionnaire. Il s’agissait de préciser la nature de cette idéologie qui fut un des principaux leviers révolutionnaires pour dynamiter les monarchies européennes au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Il ne faut pas s’en laisser compter par l’affrontement apparent de deux nationalismes : l’un contractualiste à la manière de Rousseau et de Renan, et l’autre quasi-biologique d’un Auguste Comte avec des disciples aussi différents que Jules Ferry et Charles Maurras. En effet tous deux se fondent sur le mythe du progrès de l’humanité et sur un même postulat qui célèbre l’autonomie de l’homme par rapport à toute norme transcendante ; tous deux nient le droit divin et même le simple droit naturel ; tous les deux sont bien conformes à l’article III de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui proclame la nation affranchie de toute loi supérieure à sa volonté :
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
En outre, l’intervenant a mis l’accent sur le caractère éminemment subversif de cette doctrine qui séduit les milieux conservateurs par un côté antilibéral et un très artificiel souci du bien commun.
– Le libéralisme catholique au XIXe siècle. Cette autre idéologie moderne — qui précède historiquement le nationalisme politique et se fonde sur le même principe d’autonomie de l’homme par rapport à la transcendance de la loi naturelle — a été abordé sous l’angle historique. Plus précisément il s’agissait d’étudier la façon dont le libéralisme a insidieusement pénétré la sphère catholique grâce à de grandes figures hostiles au droit divin des rois. Le libéralisme de Lamennais a naturellement ouvert l’étude puis le conférencier s’est intéressé ensuite à un de ses disciples : le dominicain Lacordaire. Ce religieux — si républicain, qu’une fois élu, il siégeait à l’extrême-gauche dans l’Assemblée —, assura la postérité du libéralisme chez les catholiques conservateurs en le croisant avec le nationalisme pour créer le national-catholicisme. C’est à lui qu’on doit le dévoiement de l’amour du Pays par la transmutation de la fierté légitime de chaque génération à transmettre l’honneur des belles actions en un pharisaïsme de la nation élue de Dieu. Désormais, indépendamment de son action personnelle, le national-catholique se sent ontologiquement meilleur que les autres par le simple fait d’être français et catholique. C’est Lacordaire qui dans son Discours sur la vocation de la nation française, de 1841 à Notre-Dame de Paris, déforme l’expression du pape Alexandre VI Borgia de « roi, fils aîné de l’Église 1 » en « France, fille aînée de l’Église », transférant ainsi la sacralité de l’institution royale au pays lui-même. Par là, il validait le modèle nationaliste qui fait de la nation une personne douée de volonté et de caractère propres, ainsi que d’une âme : le génie national. À l’inverse la tradition légitimiste voit dans les différents caractères des peuples la marque des lois qui ont conformé l’esprit des sujets le long des siècles. Par leurs lois, par l’institution politique dont ces lois découlent, les princes sont le principe de la nation, ils sont cette tête qui, en organisant les différents organes du pays selon les principes de finalité, d’organicité et de subsidiarité, lui donne sa personnalité.
– Le légitimisme d’outre-Manche a également été à l’honneur, avec un beau panorama de la monarchie anglaise et l’histoire tragique du mouvement jacobite irlandais.
– Une conférence sur un thème moins connu mais tout aussi passionnant, la psychologie sociale, a proposé une critique de l’ouvrage de référence de Gustave le Bon, La psychologie des foules. L’actualité des exemples de manipulation de masse dont parle cet auteur a frappé l’auditoire.
– Enfin, c’est l’étude de la lettre de Sainte Jeanne d’Arc aux habitants de Riom qui est venue clore cette série de conférences, en rappelant le but de notre combat : servir efficacement le Pays en combattant pour le Roi, s’engager en dépit des risques divers et des obstacles, et finalement, accomplir son devoir d’état tout en s’en remettant à la grâce de Dieu.
Un cadeau : le parrainage du roi Louis XX porté par son secrétaire
Rien n’avait fuité, le secret avait été bien gardé et les participants ont eu une surprise de taille en ce quatrième jour de l’Université. La session 2020 a été en effet été couronnée par la joie de recevoir, à l’occasion du trentième anniversaire de l’USL, le chaleureux message d’encouragement et de soutien qui lui a été adressé par Louis XX.
De nombreuses activités et l’esprit de camaraderie au service du Roi
En plus des groupes d’études et des conférences, les participants ont eu l’occasion de découvrir, au milieu de la semaine, le magnifique site de Château-Larcher. Ils ont également bénéficié de la présence des dominicains de la communauté de Notre-Dame du Rosaire, pour un appui spirituel avec la messe quotidienne et les sacrements, mais aussi pour leur précieux apport théologique.
Comme chaque année, esprit de bonne camaraderie et ambiance familiale étaient au rendez-vous : promenades, chants, veillées ont vite triomphé de la timidité des nouveaux. Tous les participants de cette édition souhaitaient revenir l’année prochaine, un signe qui ne trompe pas.
L’université saint Louis 2020 fut donc riche en enseignements et approfondissements du combat de la légitimité comme de la connaissance des ennemis, chacun comprenant bien que ce n’est qu’en se formant que la victoire viendra. Comme l’a dit sainte Jeanne d’Arc : « Au nom de Dieu, les hommes d’armes batailleront et Dieu donnera la victoire ! »
Références
↑1 | Le titre donné au roi de France de « fils aîné de l’Église » le fut pour la première fois le 19 janvier 1495 à Charles VIII par le pape Alexandre VI qui cherchait à l’amadouer. L’historien Alexandre Gordon rapporte en effet : « Cependant le Pape tenant avec sa main gauche la droite du Roi donna à S.M. toutes les marques imaginables de considération et d’estime, lui donnant le titre de fils aîné de l’Église. » (Alexandre Gordon, La vie du pape Alexandre VI et de César Borgia, Amsterdam, 1732, t.1, p. 122.) |
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