Mgr le Duc d’Anjou : Tribune

« Le printemps s’ouvre sur la fête de Pâques, porteuse d’un message d’espoir contenu au cœur de la religion catholique, et qui délivre une espérance universelle, promise à tous les peuples en général et à chaque homme en particulier. Elle nous pousse à croire qu’après chaque crépuscule, après chaque nuit, si longue et pénible soit-elle, une aube revient, plus éclatante à chaque fois. Croyant ou non, n’avons-nous tous pas besoin d’un tel message, d’un tel espoir dans des temps qui peuvent nous apparaître bien difficiles ?

Néanmoins, l’espérance ne naît pas de nulle part. Il faut des forces vives, des actions authentiques et de véritables réalisations pour la susciter et lui donner sa force. Ainsi, notre chère France peut retrouver la force qu’elle semble avoir perdue seulement si des hommes et des femmes sont résolus à agir et à adopter des comportements moraux authentiques mus par la recherche du bien commun et de la justice. La crise sociale et les revers diplomatiques que la France essuie manifestent les difficultés du pouvoir à y parvenir. N’est-il pas temps de renouer avec un système capable de les guider sur cette voie ô combien nécessaire ?

Héritier d’une tradition millénaire, je sais au plus profond de moi qu’il n’y a pas de crise, pas de situation politique que la France n’ait su surmonter. Et une fois encore, je suis convaincu qu’existent des solutions pour bâtir l’avenir de notre pays dès lors qu’il n’est pas guidé par l’idéologie, mais abordé en termes de réalités, celles des hommes et du sol, et dans cette recherche du bien commun.

Sur le plan international, alors que la guerre s’étend des portes de l’Europe à de multiples territoires, il devient chaque jour plus nécessaire que la France s’impose à nouveau en puissance médiatrice, capable de faire revenir une paix à laquelle nous aspirons tous. Cette paix à construire ne doit pas être seulement une cessation des opérations militaires, mais également une véritable entreprise de justice et de vérité, fondée sur les leçons du passé ainsi que sur la volonté profonde de bâtir un avenir pacifique. Plus que tout autre continent, l’Europe sait à quel point des paix qui s’écartent de ces principes ne sont que des cendres sous lesquelles couvent des braises ardentes promptes à se rallumer.

Or, il est du devoir de notre pays d’être cette puissance diplomatique influente, capable d’apporter la paix là où les évènements l’imposent. Cela est aussi essentiel à la France qu’aux autres nations du monde. Sur le plan social, le dialogue basé sur un réel désir d’écoute et de compréhension, semble plus que jamais être la solution la plus constructive face aux démonstrations d’autoritarisme qui développent des rancœurs et cristallisent les antagonismes. Et il ne me semble pas vain de répéter que les gouvernants ne doivent jamais perdre de vue le bien de leurs peuples. Ces derniers ne sont ni à ignorer, ni à brusquer mais à écouter et à comprendre. Aucune pression, si puissante soit-elle, ne doit surseoir à ce principe. Et pourtant, cette fameuse réforme des retraites apparaît comme étant plus motivée par des logiques comptables que par un réel souci du bien commun.

Une fois de plus, la monarchie se révèle être, en creux, d’une modernité criante face aux problèmes actuels. De fait, le roi n’est l’homme d’aucun parti, d’aucun lobby, notamment financier, puisqu’il ne doit son trône à personne si ce n’est à sa naissance et à la providence. Cette autorité conférée qui échappe aux trafics des hommes, est la garantie d’une politique complètement indépendante, tournée vers le seul bien des peuples et du pays. Grâce à ce principe, la monarchie a toujours tenté d’apporter les remèdes aux maux sociaux qui rongeaient notre pays à différentes époques, du Livre des Métiers de Saint Louis aux préoccupations sociales de Charles X pour la classe ouvrière en formation. Et même en exil, les aînés de la maison de Bourbon ont eu soin d’être attentifs à la question sociale en France. Mon ancêtre, le Comte de Chambord (1820-1883) avait, ainsi, plus que bien des hommes politiques de son temps, senti la nécessité de protéger le peuple français des dangers de la société matérialiste et libérale qui se mettait en place.

En 2018, j’avais déjà soutenu la profonde détresse du peuple français exprimée dans le mouvement social d’alors devant lequel le pouvoir est demeuré aveugle, cherchant des règlements uniquement matériels alors que les Français attendaient également de la considération. Aujourd’hui, je réitère ma profonde solidarité avec ceux qui souffrent, qui se sentent abandonnés et négligés. La violence à l’œuvre est évidemment à condamner, mais n’est-elle pas la manifestation profonde d’un dysfonctionnement majeur des institutions démocratiques qui auraient dû permettre de canaliser une violence symbolique sans laisser libre place aux voyous qui ne sont là que pour semer le chaos ?

La France a, par le passé, séduit bien des fois les autres pays en matière de politique sociale. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, elle était d’ailleurs devenue une référence, tant son système social démontrait son efficacité en matière de soins, de prévoyance et d’assistance. J’ose même dire que la politique sociale française fait désormais partie des emblèmes et des fiertés de notre pays et qu’elle est constitutive de son identité contemporaine. Il ne faut donc pas laisser dépérir cet héritage. À nouveau, les Français ont besoin d’une politique sociale pour le XXIe siècle, basée sur le long terme et sur les réalités de notre époque, et non de mesures vexatoires et expéditives. Tout est une question de volonté partagée.

Les troubles autour de la réforme des retraites ne sont sûrement qu’un prétexte à une protestation d’une portée plus générale de nos compatriotes qui souffrent de vivre dans un système qui n’est plus adapté aux conditions économiques et sociales du siècle qui s’ouvre. Il est un devoir impérieux d’assurer à tous les Français qui travaillent les conditions nécessaires d’une subsistance digne qui prend en compte les nouvelles réalités qui s’écrivent tant en termes de mondialisation des échanges que d’innovations technologiques qui en sont encore à leurs balbutiements, et que de transformation dans le rapport au travail. Il s’agit seulement ici d’une œuvre de justice qu’un État doit à son peuple.

Il est temps que la France retrouve, en puisant dans le meilleur des racines de son histoire, la volonté d’agir pour construire un avenir qui lui soit à la fois plus favorable au plan social comme à l’échelle internationale. C’est à ces conditions que la France contribuera à nouveau à façonner les destinées du monde. Que la fête de Pâques soit l’occasion de redonner l’espérance que je désire ardemment voir animer le cœur de chaque Français. »

Louis, duc d’Anjou

Source : Marianne du 7 avril 2023